Les quatre détours de Song Jiang

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21 novembre 2020 par Lunch

Lunch

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Lu Zhishen, le voyageur curieux, vient du Sud où chaque rencontre est une aventure ouvrant la porte à de nombreuses disciplines.
Gongsun Sheng, le mandarin, vient de l’Ouest, une région qu’il connaît par cœur, peut-être trop, en quête d’un nouveau défi.
Wu Yong, le stratège, est fatigué de sa vie militaire dans les lointains royaumes du Nord. Il aspire désormais à se retirer pour ses vieux jours, vers un horizon plus paisible.
Li Kui, le soldat, vient quant à lui de l’Est à la recherche de nouvelles batailles à mener…
Tous viennent à tour de rôle, au cours de leur itinérance, consulter Song Jiang, le sage vivant sur la montagne de l’Étoffe Jaune, au centre du pays, au sommet de la grande Tortue, là où le monde est équilibre.

Ainsi se lisent Les quatre détours de Song Jiang. Un livre objet aussi reposant par son fond que par sa forme. Un livre à lire et à relire, pourquoi pas dans un infini recommencement, sous le charme des mots justes et emplis de sagesse ou subjugué par les dessins tout en peintures. Un hommage en tous points aux estampes chinoises.

« Oui… car La Tortue est à l’image de l’Univers, elle dont la carapace est carrée par le bas, et ronde par le haut. Or si le monde est carré, il n’y a guère que quatre directions possibles pour se retirer, puisque le Centre est, pour une telle entreprise, manifestement inapproprié… »

Guillaume Trouillard (Colibri, La saison des flèches, Welcome, Aquaviva), passionné depuis toujours et probablement inspiré par l’édition récente des travaux de Dai Dunbang (Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes), a voulu réaliser une bande dessinée reprenant les lointains codes traditionnels chinois. Il s’est ainsi entouré d’Alex Chauvel (Toutes les mers par temps calme, Thomas et Manon, Todd le géant s’est fait voler son slip), copain de longue date, pour créer à quatre mains ces quatre histoires d’une sensibilité certaine et non dénuées d’humour.
Autre source d’inspiration possible, la collection Façades des éditions polystyrène, dirigée par Alex Chauvel et pour laquelle Guillaume Trouillard, avec son frère Antoine, avait réalisé Un trésor l’an passé. Une forme de livre accordéon petit format : la boucle est bouclée !

Ouvrage poétique, le texte s’appuie sur le rythme des saisons, des couleurs, de la faune et de la flore. Des mots qui évoquent à nos mémoires l’esprit des haïkus japonais, avec une certaine forme de sagesse.
La sagesse est par ailleurs omniprésente, dans le choix des directions cardinales, dans chacun des conseils avisés de Song Jiang, teintés de pensées philosophiques. À la fin de l’ouvrage, on retrouve d’ailleurs quelques cartes inspirées des trigrammes Taoïstes, glissées dans une pochette, lesquelles évoquent avec habileté chacun des éléments, de quoi il se nourrit et vers quoi il nous amène, le tout étant intimement lié.

Les quatre détours de Song Jiang - Extrait

Les quatre détours de Song Jiang – Alex Chauvel & Guillaume Trouillard © La Cerise 2020

Parabole philosophique à la création, il est aussi question de la peinture, du pli, de fabriquer ses outils, un Art présenté ici comme proche de la calligraphie, de l’œuvre en Majesté, celle qui se murit et qui représente le dessin d’une fois, le dessin d’une vie.
Ce projet vieux d’une dizaine d’année devient alors tout un symbole.

Celui-ci fourmille de détails : Guillaume représente l’infiniment petit, il meuble et décore jusqu’à l’intérieur des maisons, avec son goût pour le miniature et l’infinie patience qu’on lui connaît.

Est-il alors si étonnant de préciser tout le soin apporté par l’équipe des éditions de la Cerise dans la confection de ce leporello ?
Comme d’habitude, l’écologie est une pensée transverse dans l’œuvre de Guillaume Trouillard. Si ce n’est dans la thématique, c’est dans le choix du papier, dans le choix de l’imprimeur, forcément local.
Confectionner un leporello en France, sans que le coût du livre explose littéralement, a été un véritable défi. Pour le relever, l’éditeur a fait appel à de nombreux bénévoles pour assembler chaque planche à la main, dans des locaux aimablement prêtés par l’ALCA à Bordeaux. Cela n’aurait pas été possible non plus sans le soutient du CNL ni la farouche volonté de l’imprimeur de faire le maximum pour rendre la chose possible.

C’est une immense fierté que d’avoir personnellement participé à la confection de cet ouvrage atypique.
Une grande joie aussi de le lire et de le relire, d’avoir l’impression d’atteindre la plénitude, bercé par la douceur de l’été indien.

Merci Guillaume !

Un autre avis : ActuaBD
Les quatre détours de Song Jiang (One shot)
Scénario : Alex Chauvel
Dessin : Guillaume Trouillard
Édition : La Cerise 2020
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

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