In God We Trust

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27 juillet 2014 par Lunch

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Lunch

J’aurais dû écrire cet article depuis longtemps. Cela fait déjà un moment que j’ai lu cet album mais un amoncellement de problèmes personnels a émaillé mes envies de lectures et mes capacités de rédaction, peu aidé par un sentiment de déception générale autour de cet ouvrage…
Je reviens donc aujourd’hui, avec beaucoup de retard, sur la nouvelle bande dessinée de Vincent Paronnaud, plus connu dans le monde du 9ème Art* sous le nom de Winshluss : In God We Trust**.

L’alléchant programme

Les bédéphiles admirent surtout Winshluss pour son adaptation très remarquée de Pinocchio, primée à Angoulême par un Fauve d’or, la consécration suprême. Ceux qui l’ont lu ne peuvent que reconnaître le talent de l’auteur qui a su revisiter le conte italien de Carlo Collodi pour se le réapproprier totalement dans un style qui lui est propre : plus sombre, cynique et entièrement muet.
Il y avait donc beaucoup d’attente et d’envie à la sortie de son nouveau livre : In God We Trust.

L’envie, on la ressent d’autant plus en apercevant le livre en lui-même. Fort de son succès auprès du public et d’une reconnaissance certaine de son éditeur Les requins marteaux, à qui Winshluss est resté fidèle, l’auteur bénéficie d’une carte blanche pour la réalisation de son nouveau titre. C’est ainsi que la maquette se retrouve soignée aux petits oignons : couverture cartonnée avec marbrures dans le style des missels (on parle de religion après tout) avec des intégrations d’un vernis sélectif doré sur fond bleu du plus bel effet ; pages de fort grammage ; bande de tissu marque page.
Bref c’est alléchant et on peut remercie le Centre National du Livre de proposer régulièrement des subventions pour la conception d’ouvrages de qualité.

L’histoire du Grand Architecte par Saint Franky

« Ben ! Elle est où Ève ?
_ Je l’ai fait disparaître !
_ Hein ? Mais, pourquoi ?
_ Vois-tu Adam, j’ai bien réfléchi… et j’en suis arrivé à la conclusion suivante : l’origine du problème c’est la femme ! C’est pourquoi j’ai décidé de placer non pas un homme et une femme au jardin d’Éden, mais deux hommes ! Comme ça on est tranquilles…
_ Ha ! J’ai eu peur ! Pasque jouer au badminton tout seul c’est pas cool…
»

Après avoir retourné le conte de Pinocchio, Winshluss s’attaque au monument Bible et c’est ainsi que Saint Franky, patron des amateurs de houblon et de bandes dessinées, fait son apparition en robe de bure et petites ailes, la tête transpercée par une flèche qu’il a reçue à sa mort alors qu’il défendait vaillamment le bien le plus précieux de l’abbaye. C’est du haut de son nuage et bien équipé de sa chopine de mousse qu’il revisite ainsi les principaux axes : la Genèse, Adam et Eve, le sacrifice d’Abraham, Moïse, l’immaculée conception, Jésus, le Jugement Dernier et j’en passe… le tout entrecoupé de scènes annexes sur la vie de Dieu et diverses notes d’humour.

Winshluss s’approprie la Bible et la désacralise (sacrilège ?), la déforme allègrement en la réinterprétant à sa façon. C’est irrévérencieux, parodique, vulgaire (les qualificatifs du genre son nombreux), à l’image du Dieu grassouillet et en slip chevauchant sur son nuage. Quelques scènes ou répliques font sourire, certaines idées sont excellentes***, mais dans l’ensemble je me suis plutôt ennuyé… raté !
La forme décousue de la narration (ce sont plus des scènes qui se succèdent qu’un récit structuré) n’aide pas à l’immersion de lecture.

En conclusion je dirai qu’In God We Trust répond à la politique éditoriale des Requins Marteaux et plaira certainement aux amateurs du genre, sans cette fois susciter d’engouement démesuré.
Un livre à prendre au 8ème degré et à déconseiller aux enfants, aux croyants puristes et aux personnes dénuées de sens de l’humour.

* L’auteur est aussi réalisateur de cinéma avec entre autres les adaptations de Persepolis et de Poulet aux prunes en collaboration avec Marjane Satrapi.
** In God We Trust, devise nationale américaine.
*** L’épisode God VS Superman, certainement le plus drolatique, met en scène le peuple étasunien et son héros Superman face à Dieu qui veut faire son apocalypse.

Badelel

Badelel

Addendum du 09/05/2015

Pourtant ravie par les pages d’un Pinocchio irrévérencieux, je suis longtemps restée perplexe face à ce In God We Trust.

  • La couverture d’abord, quoique très soignée (solide, en cuir avec incrustations dorées) reste très rébarbative, à l’image – je l’avoue – de ces bibles très classiques et très sérieuses des années 1970.
  • L’inquiétude par ailleurs, puisque je considère certaines formes d’humour comme douteuses et que Winschluss, quoique capable de génie, marche sur une corde raide sur ce sujet.
  • Les avis mitigés enfin : d’un Lunch déçu à un libraire qui ne l’est pas moins.

De perplexe, je deviens vite réfractaire, on remerciera donc K.BD et ses barbus d’avoir sauvé cette BD de ma PAPL (pile à pas lire).

Miraculeux, In God We Trust ne l’est sans doute pas, n’en déplaise au héros de cette histoire (le Bon Dieu bien sûr), ce n’est pas un Pinocchio, c’est certain. Mais il reste, dans sa catégorie (humour, grotesque et irrévérence) bien supérieur à bien d’autres lectures !

On y retrouve un Bon Dieu terriblement humain (et donc bourré de défauts). Puisqu’il a créé l’Homme à son image, c’est que cette dernière ne doit pas être bien glorieuse. Fêtard, lubrique, je-m’en-foutiste, fainéant, inconséquent et boute-en-train, il est loin de l’image véhiculée par l’Église mais nettement moins détestable que celle communément admise. Les atrocités commises en son nom, il n’en est pas responsable. Comment le pourrait-il puisqu’il est complètement irresponsable ?

La Bible en prend un coup : rien n’est nié, mais tout est tourné à la dérision. Jésus ? Une aventure de passage. Cette garce de Marie l’a mis devant le fait accompli, impossible de se débarrasser de ce boulet ! La disparition des dinosaures ? Oubliés par l’Arche de Noé. Jésus mort sur la croix ? Un défi qui a mal tourné. Jésus marche sur les eaux ? Il a inventé le surf…

Winschluss joue avec tous les codes : du vaudeville aux comics en passant par les vieilles publicités du XIX° siècle, tout est mis à profit pour décrédibiliser la religion catholique et ses pratiques, mais rendre l’objet de ce culte beaucoup plus sympathique. Un rôle propagandiste tenu à merveille par St Franky, improbable saint patron des amateurs de bière et de BD.

D’autres avis : Yvan, David Fournol, PaKa, Yaneck
In God We Trust (One shot)
Scénario : Winshluss
Dessin : Winshluss
Édition : Les requins marteaux 2013
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

Une réflexion sur “In God We Trust

  1. […] Lunch : « Quelques scènes ou répliques font sourire, certaines idées sont excellentes, mais dans l’ensemble je me suis plutôt ennuyé… raté ! » […]

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