Coquelicots de Kobané

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30 janvier 2017 par Badelel

Lunch

Lunch

Nous connaissons surtout Brigitte Findakly pour son travail de coloriste. C’est cependant la première fois qu’elle se consacre à un récit, dans une histoire qui l’implique directement. Coquelicots d’Irak nous renvoient à sa jeunesse, du temps où elle vivait là-bas, dans un pays qui de notre point de vue d’occidental, ne représente que la guerre.
C’est un retour aux sources donc et l’auteure (ou autrice, comme vous préférez), au travers d’une biographie en strips, nous dresse le portrait d’un pays qui n’a cessé de changer, entre l’époque paisible de ses parents et l’arrivée plus contemporaine du panarabisme, puis de daesh et du chaos…

Coquelicots d'Irak - Extrait

Coquelicots d’Irak – Brigitte Findlaky & Lewis Trondheim © L’Association 2016

Si Brigitte Findakly travaille sur son album de manière intimiste, développant un récit léger, simplement croqué par son mari Lewis Trondheim et tendrement colorisé, Zerocalcare aborde la région plus frontalement : un trait nerveux, noir et malheureusement réaliste. Nous sommes entre la BD reportage et le fanzine.

Kobané calling est une sorte de road-trip auquel s’est livré le romain Zerocalcare, embarqué avec quelques amis entre l’Irak, la Turquie et la Syrie dans un conflit qui nous dépasse complètement. Nous ne connaissons ce qu’il se passe que par le biais des informations tronquées qui nous parviennent. Lui, il a voulu savoir de l’intérieur, comprendre les liens entre les diverses factions (YPG, YPJ, PKK, Daesh, Erdoğan, el-Assad et bien d’autres…), les enjeux politiques et territoriaux qui les opposent et l’envie du peuple Kurde de fonder un pays (évidemment non reconnu) en l’espèce du Rojava.

« Quand Daech a occupé Kobané, c’est un des rares immeubles qu’on a conservés. On était pratiquement tous concentrés dans quelques pâtés de maisons. Ils étaient arrivés jusqu’ici, dans les étages du dessous. On s’est barricadés au dernier étage et sur ce toit.
Vous voyez toutes ces douilles par terre ? C’est d’ici qu’a commencé notre résistance. Depuis ce toit, on a repris tout Kobané. »

Difficile d’envier le voyage dangereux de Zerocalcare (mais il est fou !), il permet en tout cas de mieux comprendre l’incompréhensible. S’il s’agit bien sûr d’une vision partisane du conflit puisque l’auteur était avec les Kurdes, c’est sans conteste leur réalité, leur quotidien, leur combat.

Kobané calling - Extrait

Kobané calling – Zerocalcare © Cambourakis 2016

Coquelicots d’Irak et Kobané calling sont deux lectures croisées sur une région du monde qui nous est tellement mystérieuse, impénétrable. Peut-être vous permettront-elles de vous faire une idée plus personnelle sur la situation…

Zerocalcare, on a eu la chance de le rencontrer à Angoulême. La première question qui vient évidemment en tête : mais comment on se retrouve embrigadé dans un tel périple aussi dangereux qu’invraisemblable ?
Le fait est qu’il fait partie d’une association de défense de la cause kurde à Rome (Rojava calling, ça ne s’invente pas !) et qu’un jour le « ouais ce serait cool d’aller là bas » innocemment lancé s’est transformé en réalité (il a des copains très actif dans les voyages organisés, d’ailleurs il est prévu qu’il remette ça…). Forcément, il pouvait plus se débiner.
Zerocalcare publie pour l’équivalent du Courrier international en Italie (l’hebdomadaire Internazionale). C’est dans ce journal que tout a commencé et aujourd’hui encore, Ezel (qui va bien, pour ceux qui se poseraient la question) le harcèle pour qu’il dessine dès qu’il se passe un truc.

Le Joe Sacco italien nous a promis d’être prudent. Souhaitons-lui bonne chance !

kobane_calling

Un autre avis sur Kobané Calling : Yvan
Coquelicots d’Irak (One shot)
Scénario : Brigitte Findakly
Dessin : Lewis Trondheim
Couleurs : Brigitte Findakly
Édition : L’Association 2016
Kobané Calling (One shot)
Scénario : Zerocalcare
Dessin : Zerocalcare
Traduction : Brune Seban
Édition : Cambourakis 2016
La présentation de Coquelicots d’Irak sur le site de l’éditeur.
La présentation de Kobané Calling sur le site de l’éditeur.
Le site de Lewis Trondheim.
Le blog de Zerocalcare.

8 réflexions sur “Coquelicots de Kobané

  1. Mo' dit :

    (Je préfère auteure à autrice 😛 )
    Concernant « Kobané calling », je comprends un peu mieux la démarche du coup. Mais ça reste fou tout de même. Moyennement tentée par ce titre en revanche, les « Coquelicots » de Findakly, oui !!!

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    • Lunch dit :

      Moi aussi je dis plus généralement « auteure », mais il paraît que le mot « autrice » est plus ancien (j’avais lu un article, de Tanxxx il me semble, qui précisait les origines puis la disparition du mot lorsque d’un coup de baguette magique « le masculin l’emportait sur le féminin »).

      J’ai préféré Kobané Calling pour ma part. Zerocalcare est dans le reportage et a fait un vrai travail de journaliste. C’est des faits, c’est du concret, c’est du danger aussi…
      Le ton de Coquelicots d’Irak est beaucoup plus léger, il ne va pas au cœur des choses. Nous avons vraiment deux approches différentes en terme de narration et de profondeur.

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      • ael'bé dit :

        Pareil j’ai vraiment beaucoup apprécié Kobané Calling et coquelicots d’Irak mais tu as raisons les points de vues sont profondément différents. Dans le cadre de Kobané Calling on a un « narrateur extérieur » qui découvre en même temps que le lecteur un endroit qui reste encore aujourd’hui, malgré toutes les Unes et les journaux télévisés, mystérieux et compliqué à comprendre.
        On est dans l’analyse journalistique.

        Avec Coquelicots d’Irak on se place plus au cœur de l’humain. Type « vous entendez beaucoup parler de ces pays à propos de la guerre et des conflits géopolitiques, je vais vous raconter de l’intérieur sans velléité de vision globale ce que peut être la vie là bas, parce que je l’ai vécue ». Sur une approche plus humaine, quotidienne.
        Je dirais donc plutôt que Coquelicots d’Irak nous parle du cœur et Kobane Calling de la tête (et bien sur sa capacité à s’étonner et se révolter..)

        En fait, je trouve compliqué de comparer un récit intime et un récit journalistique. Les deux textes ont des approches radicalement différentes de leurs sujets et de ce fait ne nous parlent pas, selon moi, des mêmes choses !

        Bref c’est une analyse tout à fait personnelle et entièrement amateure/trice (?) car je viens de finir ces deux BDs et j’avais hyper envie de partager après avoir lu cette chronique !

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      • Lunch dit :

        C’est tout à fait ça ! J’ai voulu faire le rapprochement – peut-être par fainéantise – parce que les deux albums parlaient de la même région. Les objectifs de ces deux récits sont en revanche tout à fait différents (dans le ton, l’angle d’approche mais aussi dans le rendu graphique et c’est normal) et tu résumes bien les choses.

        J’ai moi aussi eu très envie de parler de ces lectures, voire de rencontrer Zerocalcare puisque j’ai eu cette chance. Des lectures qui ne laissent pas indifférents il me semble.

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  2. jerome dit :

    Ravi d’avoir pu parler avec toi de l’album de Zerocalcare « en vrai ». Et plus que ravi de t’avoir enfin rencontré, vraiment !

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  3. […] la fougue et l’humour qu’on commence à lui connaître (dans Kobane Calling, Zerocalcare parvenait à nous faire sourire malgré l’atrocité et les enjeux du conflit […]

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  4. […] à majorité Kurde) avait déjà été par le passé décriée par l’auteur Zerocalcare dans Kobane Calling (qui avait pris des risques insensés pour nous faire parvenir son témoignage). Giulia Pex livre […]

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