Doigts d’honneur – Révolution en Égypte et droits des femmes
113 février 2016 par Lunch

Lunch
Le Printemps arabe a débuté en janvier 2011 en Égypte. Une vague de contestations qui demandait au départ la destitution du Président Hosni Moubarak et qui n’a jamais cessé. Depuis, de révolution en révolution, le pays est en constante ébullition : Moubarak, Tantawi, Morsi, Mansour… ils ont tous fait les frais de cette période contestataire qui a vu des milliers de civils dans les rues et ce malgré les interdictions, les répressions et les morts… Le dirigeant actuel, Al-Sissi, sera peut-être le prochain…
Aujourd’hui encore le pays est instable. Les droits de l’homme sont régulièrement bafoués, les emprisonnements arbitraires et la torture pratiqués par le régime. Dernièrement, c’est un étudiant italien qui s’est fait molester et tuer alors qu’il faisait des recherches pour sa thèse sur les mouvements ouvriers sur place.
Être une femme, dans ce contexte qui sent la poudre, est une épreuve au quotidien. Selon un sondage mené par ONU Femmes en 2013, « 99,3 % des femmes égyptiennes ont déjà connu le harcèlement sexuel sous une de ses formes. » Il y a les insultes, les attouchements… il y a aussi les viols… et ce même en public !
« Bon… Un garçon vous a embêtée dans la rue, c’est ça ?
_ Non, j’ai été violée.
_ Où ça ?
_ Sur la place Tahrir.
_ Tahrir ? Vous croyez qu’on est dans le quartier de Tahrir ? Qu’est-ce que vous faisiez sur la place Tahrir ?
_ Ce n’est pas la question, j’étais accompagnée, mais il y avait trop de monde.
_ Vous n’aviez rien à faire là-bas. Quel genre de fille va sur la place Tahrir en ce moment ? »
Layla, héroïne malgré elle de ce livre, va militer sur la place Tahrir – haut lieu de rassemblement populaire – pour la démission de Mohamed Morsi en 2013. Elle se retrouve confrontée, comme des centaines d’autres femmes (le chiffre de 186 est annoncé par le journal Libération rien qu’entre le 28 juin et le 7 juillet 2013, chiffre qui ne prend sûrement en compte que les plaintes officielles), au viol en place publique. Vraisemblablement, il n’est pas acceptable d’être une femme dans une foule militante, manifester est un rôle d’hommes… Dans un pays qui pratique la mutilation (85 à 90% des femmes sont excisées, plus par tradition que pour une autre raison), où une femme est traitée de pute quand elle sort sans son voile, quoi de plus normal ?
Ferenc et Bast ont livré un livre coup de poing pour faire des Doigts d’honneur à toutes ces pratiques. Ils ont pour cela été aidés par Amnesty International qui leur a donné accès à tous les documents nécessaires.
Après En chienneté, qui traitait du quotidien des mineurs en maison d’arrêt, Bast montre une fois de plus sa volonté de s’engager dans des récits militants. Il a en revanche laissé de côté la bichromie de son dernier titre, au profit d’un ouvrage quasi-intégralement en noir et blanc et dont les seules touches de couleurs – vert, bleu, rouge – ne sont là que pour distinguer l’héroïne parmi la foule et pour pointer du majeur, là une violence sexuelle, là un tabassage en règle…
[…] chroniques de Lunch, Philippe Belhache et Daniel […]
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