Marzi (Format intégrale #1) : 1984-1987

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1 février 2016 par Badelel

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Badelel

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Marzena Sowa a grandi dans la Pologne communiste. En 2005, avec l’aide de Sylvain Savoia notamment au dessin, elle se met à raconter son enfance. Les privations, les combats, l’état de guerre, l’avènement et la chute du régime communiste mais aussi les joies simples de l’enfance (et ses peines), les bêtises, les jeux…

La voix OFF de Marzena Sowa, toute en sobriété (mais jamais en stupidité), replace la vision de l’enfant au centre du récit : ses observations, les questions qu’elle se pose et auxquelles on ne répond pas… A aucun moment l’adulte qu’elle est devenue ne ressurgit pour opposer un jugement ou une explication. Les événements qui secouent la Pologne des années 1980 sont présentés avec son regard d’enfant. Cette première intégrale porte très justement le sous-titre « La Pologne vue par les yeux d’une enfant ».

Le ton du récit très accessible ainsi que le dessin tout en rondeur et les couleurs vives de l’édition d’origine nous ont d’ailleurs amenés à classer Marzi dans les BD jeunesse à la médiathèque. Au contraire, cette édition intégrale, dont les couleurs sont plus grises, la couverture et les « bonus » plus adultes, y est classée en BD adultes. C’est une grande force pour ce récit que d’être capable de s’adresser aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

Car il ne s’agit pas seulement d’une enfance. Il s’agit surtout d’une enfance dans une situation politique et historique précise qui nous amène à approfondir la question de l’histoire récente de la Pologne, à s’intéresser au contexte.

On y retrouve les scènes du quotidien : le marché et le rationnement, l’école, la religion, la ville et la campagne… A nous d’approfondir la réflexion : à quoi peut ressembler la vie des enfants dans le monde aujourd’hui dans tous ces pays où la vie est moins favorisée que chez nous.

Lunch

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Lorsque Marzena Sowa est arrivée en France, elle a bien sûr cerné bon nombre de différences avec sa Pologne d’origine, mais elle ne se rendait peut-être pas vraiment compte de ce que vivre dans ce pays signifiait. Pour elle, c’est une enfance comme une autre. Pour nous, français, c’est la dureté d’un régime, une vie difficile dans une période trouble.
Sylvain Savoia, qu’elle rencontre lors de son passage à l’université de Bordeaux et avec qui elle partage la vie, a rapidement eu envie d’illustrer les quelques anecdotes que lui racontaient Marzena. C’est ainsi qu’est né Marzi !

De fil en aiguille, le lecteur s’imprègne de la vie dans la Pologne des années 80. Une vie pleine de souvenirs tout d’abord : les copines, l’appartement, l’éducation, les fêtes, les croyances, les animaux de compagnie… Un quotidien compliqué aussi, exacerbé de communisme, rythmé par les rationnements, les frigos vides, les bas de laine, la guerre, les grèves… l’accident de Tchernobyl… Tant d’événements qui ont marqué les années 84 – 87 et qui figurent dans Marzi mais qui, vu des yeux d’une petite fille, ne paraissent pas aussi préoccupants qu’ils l’ont vraiment été. Le trait tout en rondeur de Sylvain Savoia n’y est pas pour rien et adoucit lui aussi nettement le propos.

« Ma mère se plaint toujours que je suis une rêveuse incorrigible, que je m’intéresse pas aux choses de ce monde, que la réalité c’est pas mon truc.
Mais je sais qu’elle a tort. Je regarde les petites bêtes qui vivent dans l’herbe, je fais des gâteaux de boue, je m’occupe du jardin quand il faut. Tout ça, c’est terrestre.
Et si j’aime bien monter dans les arbres, c’est pas pour m’éloigner de la terre, c’est juste pour mieux observer la vie qui s’y déroule. »

La lecture de Marzi m’a parue un peu fastidieuse, du moins sous ce format. Quasi-intégralement narrée en récitatifs, elle condamne toute forme de dynamisme. Au début de l’intégrale (c’est à dire dans le premier tome de la série), les dialogues sont totalement absents. Petit à petit, les auteurs intègrent des bulles dans leurs cases, ce qui apporte une fraîcheur non négligeable dont ils ne se passeront plus. Ces dialogues sont néanmoins marginaux par rapport aux récitatifs.
Par hasard, je suis tombé sur des planches extraites des tomes de la série et j’ai pu me rendre compte d’une différence fondamentale : l’intégrale est plus austère, le gaufrier de 6 cases a été réduit à 4 cases par planche, allongeant de fait le nombre de pages ; la couleur a été remaniée, elle était bien plus vive dans l’édition originale !
D’une manière plus générale, j’aurais apprécié parfois un récit plus adulte mais je me rends compte que ce n’est pas le propos du livre et qu’il est touchant tel qu’il est, dans son innocence enfantine. Une innocence, il faut bien l’avouer, bien préservée par des parents peu loquaces quant à la condition polonaise dans l’éducation de leur progéniture.
L’édition intégrale assoit un côté plus adulte mais va à contre courant de la narration, ce qui n’aide peut-être pas à l’immersion…

D’autres avis : Champi, Mo’
Marzi – Intégrale #1 : 1984-1987
Scénario : Marzena Sowa
Dessin : Sylvain Savoia
Couleurs : Sylvain Savoia
Édition : Dupuis 2008
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

Une réflexion sur “Marzi (Format intégrale #1) : 1984-1987

  1. […] peut-être d’en lire la suite par curiosité plus que par intérêt profond. » Lunch : « D’une manière plus générale, j’aurais apprécié parfois un récit plus […]

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