L’Amirale des mers du sud

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15 septembre 2019 par Lunch

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Lunch

En 1992, pour marquer les 500 ans de la découverte du Nouveau Monde, l’Espagne a souhaité financer de nombreux projets, tant cinématographiques que musicaux, voire même de la bande dessinée. C’est donc dans une logique de commande que s’inscrit L’Amirale des mers du sud, faisant appel au talent narratif de l’argentin Jorge Zentner, déjà éprouvé dans de nombreuses collaborations, notamment avec Ruben Pellejero (Les mémoires de Monsieur Griffaton, En fréquence modulée, Les aventures de Dieter Lumpen).
Ce déjà grand monsieur de la bande dessinée a ici été associé à un autre argentin, Carlos Nine, qui n’avait alors à son actif qu’un seul ouvrage publié en France (Meurtres et châtiments) mais qui avait déjà été désigné comme Meilleur dessinateur lors du Salon de Barcelone en 1989… et qui sera considéré plus tard comme une légende du 9ème Art.

À ce titre, L’Amirale des mers du sud est un ouvrage initiatique pour Carlos Nine, qui n’en gardait vraisemblablement qu’un souvenir amer, la faute au délai de réalisation réduit à peau de chagrin, le scénario lui étant parvenu tardivement. Cela le contraint à abandonner une technique sûre, séquencée et précise au profit d’un travail dans la hâte et la sueur, éprouvant l’aquarelle directe et sans croquis préalable. Une précipitation qu’abhorrait son auteur mais qui lui permit aussi d’explorer de nouveaux horizons graphiques. Un récit dans le récit, la « chronique d’une expérience », comme le dépeint si justement Lucas Nine, son fils, dans une magnifique préface.

L’Amirale des mers du sud est le fruit de cette rencontre par-delà les mers entre deux argentins, le premier ayant fui la dictature au profit de l’Espagne bien des années plus tôt, le second étant resté au pays.
Mais c’est d’un autre océan dont il est question dans l’album, qui n’a de Pacifique que le nom car son eau est jonchée de hauts-fonds et de cadavres, d’une expédition qui comme de nombreuses autres aura mal tournée.

« Une nonne à Lima disait que les éclipses de lune portent malheur.
_ Parfois l’ignorance revêt la bure, Madame.
_ Vous pensez donc qu’il s’agit d’une pure coïncidence ? »

Il y est question du navigateur Álvaro de Mendaña qui au cours d’un périple toujours plus vers l’ouest, est parti du Pérou en quête des îles Salomon. Fort de son premier voyage, il lui est accordé bien des années plus tard de coloniser ces nouveaux territoires… qu’il ne retrouvera jamais, s’échouant dans les récifs marquisiens pour finalement achever ses jours sur l’île de funeste de Santa Cruz.

Conflits avec les indigènes, mutineries, maladies… triste bilan de découvertes qui resteront néanmoins dans l’histoire et qui reprend vie sous la plume des auteurs.
On y retrouve l’incroyable talent de conteur de Jorge Zentner qui nous entraîne dans une narration juste, mêlée à la puissance graphique de Carlos Nine. Si les traits de ce dernier sont parfois difformes ou inconstants, on ne peut qu’apprécier ces visage burinés, savamment mis en lumière sur les fonds ocres des batailles ou sur des ambiances nocturnes.

Enfin, il est bon de souligner que cette édition à elle seule est un miracle puisque les originaux ont disparus et qu’il n’existe pas plus de fichiers numériques. Cette prouesse, menée par La cerise, tient dans la photogravure réalisée par un autre compère bordelais – Labogravure – à partir d’un exemplaire du livre espagnol mis à disposition par Lucas Nine. Autant d’ingrédients qui en font un savoureux gâteau.

L'Amirale des mers du sud - Extrait

L’Amirale des mers du sud – Jorge Zentner & Carlos Nine © Les éditions de la Cerise 2019

L’Amirale des mers du sud (One shot)
Scénario : Jorge Zentner
Dessin : Carlos Nine
Édition : Les éditions de la cerise 2019
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

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