Blanc autour
214 mars 2021 par Lunch

Lunch
1832, Canterbury.
L’école de Mademoiselle Crandall est la fierté de cette ville paisible du Connecticut. Les jeunes filles y sont éduquées à la lecture, l’écriture, l’arithmétique, la grammaire, la géographie, l’histoire, la philosophie, l’astronomie, le dessin et la peinture, la musique et le français.
La petite Sarah, alors qu’elle joue dans l’eau avec un bâton, se demande pourquoi celui-ci apparaît cassé et pourquoi sa vision est ainsi déformée. Elle découvre ainsi le principe de la réfraction et demande à suivre l’enseignement de l’école. Sarah devient alors la première fille noire acceptée par Mademoiselle Crandall qui, subissant la stupeur puis le dégoût de la population, décide de ne plus accueillir que des filles de couleur.
« Nat Turner et sa bande n’étaient pas seulement chrétiens, esclaves et noirs. Ils avaient un autre point commun. C’étaient des hommes. »
À une époque pas si lointaine où les noirs étaient libres mais sans droits, où l’esclavagisme n’était pas encore totalement aboli et où la peur de l’autre était légion, il n’était pas concevable d’éduquer une population qui deviendrait de fait incontrôlable.
Par ailleurs le souvenir de la rébellion, une année auparavant, de Nat Turner, qui s’éleva contre le suprématisme blanc, assassinant les propriétaires de terres et d’esclaves, hommes, femmes, enfants et vieillards sans distinction, était encore bien présent.
Le livre s’inscrit dans ce climat de révolte et d’effroi. Il évoque sans fard le mépris des blancs pour les gens de couleur, se glorifiant d’une bonne servante noire ou passant de la bienveillance d’usage à la haine farouche envers cette professeure dont les actions risqueraient de faire des émules.
« Éduquer quelques noirs, bon, à la limite… Mais pourquoi justement ICI, dans notre ville ?
_ Il y a sûrement des endroits plus adaptés ! Si des noirs débarquent ici à cause de cette école, il y aura des agressions ! Des cambriolages ! Pas de ça ici !
_ Ce n’est pas un problème de lieu ! C’est tout le projet qui est dangereux ! »
Évidemment, les tensions ne cessent de croître tout au long de l’album, qui n’est pas sans rappeler l’engagement de Wilfrid Lupano sur l’un de ses précédents projets avec Le singe de Hartlepool.
Pour contrebalancer le propos, le dessin de Stéphane Fert est très doux, mettant l’accent sur les personnages, au premier plan d’un décor aux traits estompés.
Les deux auteurs avaient déjà travaillé ensemble en 2017, sur l’album Quand le cirque est venu.
Le livre est enrichi en préface d’une contextualisation de l’histoire dans l’Histoire, et accompagné d’un documentaire en postface signé par Joanie DiMartino, Conservatrice du musée Prudence Crandall, lequel dresse le portrait de quelques unes des femmes fortes de ce récit, figures notables de l’abolitionnisme.
un très bon album. intéressant et beau.
Merci pour le partage de lien ^^
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Mais avec plaisir ! Je regarde toujours s’il y a d’autres avis à partager. Parfois les points de vue sont divergents. Pour celui-ci les avis sont plutôt unanimes 🙂
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