Amère Russie #1 : Les Amazones de Bassaïev

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25 mars 2015 par Lunch

Amère Russie #1

Lunch

Lunch

Où est-il passé, le petit Volodia qui jouait aux apprentis photographes avec ses camarades, s’amusant à mettre en scène son chien Milyi dans les situations les plus c(au)cas(s)es ?
Dans une Russie désœuvrée, les enfants grandissent et reproduisent les mêmes schémas parentaux : à la guerre comme à la guerre dit le proverbe ! Volodia sera soldat comme son père et s’en ira combattre en Tchétchénie… Si le vétéran finit ivrogne, abandonné par une femme accusatrice qui l’accable de tous les maux du monde, qu’adviendra-t-il du fiston, force vive d’une nation en péril, envoyé dans un charnier dont on ne revient pas ? Mais l’espoir renaît quand une rumeur annonce qu’un chef tchétchène propose de rendre les prisonniers si leur mère vient elle-même les chercher… alors qui sait ?

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Amère Russie #1 – Aurélien Ducoudray & Anlor © Bamboo 2014

Éclairage sur une population meurtrie

Après ce bref synopsis qui pose une belle situation de départ, Amère Russie pourrait nous parler du conflit tchétchène au sens large, de la colonisation russe qui mène petit à petit au sentiment de révolte, de la montée de l’islamisme radical, des attentats ou des enjeux géopolitico-économiques. Il n’en est rien ! La guerre n’est finalement qu’un prétexte, une toile de fond, pour mettre en évidence l’amour d’une mère à la recherche de son fils.

Certes cette dernière n’est pas la plus futée des femmes – on peut même dire qu’elle est trop naïve pour ce monde de brutes – mais elle fait le contrepoids idéal pour s’attarder sur l’humain, du moins pour ce qu’il lui reste encore d’humanité, dans un conflit qui dure depuis trop longtemps et use des populations qui n’en demandent pas tant.

« Pourquoi vous m’avez empêchée de parler aux soldats russes, j’aurais pu leur expliquer ! Je suis Russe quand même !
_ Mais on est tous Russes, la vieille ! J’ai une grand-mère russe, et Volodia a sûrement des cousins russes, on est tous frères ! Même Poutine, je suis sûre qu’il a un cousin tchétchène ! »

Russes ou Tchétchènes, quelle différence ? Son voyage tout en abnégation met en exergue la promiscuité des peuples, tout le contraire de la guerre qui ne retient que les divergences.

Portraits de femmes

Le périple de cette mère l’amènera à côtoyer la précarité des Tchétchènes dans une période trouble et durant un hiver rigoureux. Elle croisera aussi la route de femmes incroyables : tout un symbole que ces « amazones » des temps modernes, prêtes à mourir sur le champ de bataille pour défendre leur cause. Redoutables tireuses d’élite, fierté militaire de Bassaïev, elles paraissent pourtant si fragiles lorsqu’elles sont démasquées par des soldats russes sans pitié pour les ennemis de la nation…

Un feuillet de quelques pages en fin d’album met en avant ces femmes atypiques, anciennes championnes de Biathlon pour certaines ou recrutées et formées sur le tard pour d’autres.

Je m’attendais à découvrir un récit de guerre, peut-être à y voir une portée historique voire politique. Amère Russie nous dresse en fait le portrait de femmes fortes (et la mère de Volodia en est une) qu’Anlor, par son trait, sait rendre attachants (naïfs mais attachants). Une belle histoire en somme, qui s’éloigne des sentiers battus.
Certes je suis un peu déçu qu’Aurélien Ducoudray (The Grocery, Championzé) ne se soit pas permis quelques digressions pour aborder un conflit complexe mais la démarche est ici toute autre. Et elle fonctionne très bien !

 

Badelel

Badelel

Amère Russie est l’histoire d’une guerre parmi tant d’autres. Ce n’est pas une de ces histoires de combattants héroïques ou même humains, c’est l’histoire des autres, ceux qu’on ne voit jamais dans les fictions de guerre : les civils, les familles.

Amère Russie retrace le parcours de cette mère russe qui ne demandait qu’à pouvoir aimer son fils tout au long de sa vie, un fils enlevé par la guerre. Amère Russie montre la vie des civils dans une Tchétchénie harcelée par les chars russes.

Cette BD a surtout l’intérêt de montrer un conflit dont on a beaucoup entendu parler mais dont on s’est assez peu ému finalement (c’est loin la Tchétchénie…), et ce faisant, de montrer toutes les populations en guerre du monde : des populations brisées par une guerre dont ils ne comprennent même pas les enjeux. Nous non plus au passage, puisque si la guerre en Tchétchénie sert de décor à cette histoire, elle n’en explique pas le contexte, les tenants et encore moins les aboutissants, à l’exception d’un livret final sur les amazones de Bassaïev mais qui n’en dit guère plus sur l’origine du conflit.

Finalement, le défaut de cette BD serait de ne pas en dire assez, de s’aventurer sur un terrain où il y aurait beaucoup à dire et de ne pas prendre la peine de l’effleurer. A voir ce qu’apportera le second tome de ce diptyque au demeurant assez plaisant.

D’autres avis : OliV’, Yvan, Fab Silver
Amère Russie #1 : Les Amazones de Bassaïev
Scénario : Aurélien Ducoudray
Dessin : Anlor
Édition : Bamboo 2014
Le blog d’Aurélien Ducoudray.
Le blog d’Anlor.
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

7 réflexions sur “Amère Russie #1 : Les Amazones de Bassaïev

  1. Intéressant votre ressenti commun… Je ne l’avais pas ressenti ainsi moi.
    Mais bon, globalement, on est assez d’accord ^^
    Sinon, ça ne vous dit pas de venir jouer avec nous de temps en temps à la BD de la Semaine?

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    • Lunch dit :

      Oui c’est un sentiment un peu mitigé finalement : j’ai senti le besoin de me documenter sur la situation en Tchétchénie, parce que c’est un conflit dont on a tous entendu parler mais que peu de personnes connaissent. Et Amère Russie n’effleure même pas le conflit, ça ne parle pas de ça.

      D’un autre côté c’est une belle histoire et si on fait abstraction de la guerre on passe un bon moment de lecture et on voit de belles choses.

      Pour la BD de la semaine je me dois de décliner. J’ai déjà bien assez de mal à trouver le temps de rédiger des textes ^^ Je suis trop sollicité de partout entre le boulot, mon asso de jeux, le basket et les rendus de chroniques. J’ai tant d’article en attente et tellement de retard que je ne peux pas m’imposer la rigueur d’un rendez-vous hebdomadaire.
      Je te remercie cependant de l’invitation.

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      • Pour la bd de la semaine, je vais faire mon relou, mais il n’est pas nécessaire de publier CHAQUE semaine. C’est un rendez-vous libre d’accès, où chacun participe quand il le souhaite, comme il le souhaite….
        Oui, j’essaye toujours de recruter les copains ^^

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      • Lunch dit :

        Ouais mais non 😛
        J’aime trop ma liberté de publier quand je veux pour m’imposer des contraintes, même si j’ai bien compris qu’elles étaient minimes 🙂
        Je te remercie quand même de l’invitation !

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  2. […] Le récit d’Aurélien Ducoudray dresse vraiment habilement le portrait de cette femme esseulée, presque perdue au milieu de ces chars soviets. « Amère Russie retrace le parcours de cette mère russe qui ne demandait qu’à pouvoir aimer son fils tout au long de sa vie, un fils enlevé par la guerre. » (Badelel) […]

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  3. valmleslivres dit :

    Bon impression mitigée mais c’est pas mal que des BD sur ce sujet sortent. Ce serait bien qu’elles soient plus fouillées si je comprends bien.

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    • Lunch dit :

      En fait, Badelel et moi nous attendions a quelque chose de plus fouillé, qui rentre un peu plus dans la « docu-fiction ». Mais si on s’arrête à la fiction seule, Amère Russie est une très bonne bande dessinée et développe une histoire de femme forte (bien qu’un peu naïve) et met en avant l’humain dans un contexte de guerre, point de vue narratif que je trouve plutôt intéressant.

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