Feu de paille

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19 mars 2015 par Lunch

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Lunch

Lunch

Un Joseph tout neuf, réparé suite à un accident. Buck, le chien perdu, sorte de chien errant hybride portant une niche sur son dos. Des robots déshumanisés, une cigale électrique en plein bug. Des silhouettes déformées par la proximité de la centrale nucléaire… c’est tout un microcosme qui s’émancipe sur la face cachée du grand monde.
Au premier abord, tout n’y est qu’absurdité et décadence. Mais si on regarde de plus près, c’est un agrégat d’histoires qui, par nostalgie ou par besoin de combler le vide, forment une vie aussi fascinante que fantastique : déroutante le jour, horrifiante la nuit…

UUUURULULULUUUU !!!

Feu de paille

Feu de paille – Adrien Demont © 6 pieds sous terre 2015

Feu de paille c’est l’histoire de Joseph qui revient en famille dans sa campagne natale. C’est aussi celle de son fils Pierre, reproduisant sans le savoir le même parcours que son paternel. Et puis rien ne serait aussi parfait sans Hugo, indéfectible essence des lieux, enivrant la nuit de son empreinte omniprésente.
Qui est-il vraiment ? Qu’est-il devenu ? Les souvenirs sont tellement forts et les liens pesants qu’ils s’imprègnent même dans un cœur de métal.

« Dites-leur que je ne suis plus là et qu’ils ne me retrouveront jamais. »

Et cette horrible bête qui hurle à la mort dès lors que l’obscurité tombe ?
Fillette dont le cœur aurait été transpercé par un piquet et qui erre pour se venger pour les uns, fantôme d’un rempailleur de chaises venant emporter les morts pour d’autres, ou encore enfant passé sous le rouleau d’une moissonneuse, l’épouvantail hurleur sévit dans la région et pousse chaque nuit son terrible cri.

À la croisée des chemins entre Candyman et Au-delà du réel, les histoires que les enfants du village se racontaient minots pour se faire peur ont semble-t-il débordé dans la réalité, dépassant la fiction.

« Sur cette planète, les expériences extraordinaires arrivent plus souvent qu’on le croit.
Il est possible de faire exploser les coordonnées mentales d’un individu, ce pouvoir est immense. »

Adrien Demont, l’enfant terrible des éditions de la Cerise (avec qui il collabore sur Clafoutis), révélé par Scutella éditions (Tournesols, Ballades), porte sûrement en lui un petit quelque chose d’Hugo. Ses précédents albums témoignaient déjà d’un imaginaire débordant, qui n’attendait qu’une étincelle pour être exploité à pleine mesure.
Avec Feu de paille, on ressent cette fibre pour le bizarre et les nombreuses influences qui ont construit son œuvre.

Le plaisir est grand de suivre l’aventure, d’être saisi par ce petit frisson de l’inconnu, bien qu’il soit forcément moins palpable sur du papier qu’à l’écran.
Les courbes de ses traits se déforment pour laisser plus de place au vagabondage de l’esprit. Adrien Demont parvient à nous capturer de bout en bout, non pas à nous glacer le sang mais il nous guide avec lui dans cette cabane au milieu de la forêt où nous sommes prêts à tout entendre, ambiance garantie.

Feu de paille pourrait nous plonger peu à peu dans la folie, c’est surtout un retour en enfance, dans cette ancienne vie où les gosses se réunissaient pour tester leur peur, pour passer le temps. Les vieux démons ressurgissent alors et livrent leurs secrets.
Un bon moment à passer !

 

Badelel

Badelel

Ce qu’il y a de bien dans la bande dessinée, c’est qu’il y est extrêmement difficile d’y communiquer la peur. Si si c’est bien, parce que les trucs d’épouvante and co, moi j’ai toujours détesté. Les copains qui m’emmenaient voir leurs bouses au cinéma, je ne les remercie pas, je ne vous raconte pas les nuits de cauchemars qui ont suivi ! Alors du coup, que ce genre soit anecdotique en bande dessinée me convient parfaitement. Jusque là, une seule BD était parvenue à me faire ressentir de la peur : j’ai fermé Tonnerre rampant au bout de 3 pages, depuis il est bien planqué au fond de notre bédéthèque et ce n’est pas moi qui l’en sortirai.

Feu de paille n’est pas parvenu à cet exploit, mais je ne vous cache pas qu’arrivée au milieu du livre, j’ai plusieurs fois manqué de le refermer. Je ne regrette nullement de l’avoir terminé, non que cela m’ait permis d’en savourer toutes les subtilités, loin de là, mais j’ai pu arriver à la conclusion qu’il n’y avait ici rien de bien effrayant, si ce n’est l’ambiance distillée par l’auteur. Un feu de paille en somme. C’est-à-dire qu’il s’agit en fait de faire revivre les frayeurs adolescentes et les superstitions paysannes. Le ouija, les histoires effrayantes, les hallucinations… tout y passe (il paraitrait même que c’est bourré de références, mais là, je n’ai même pas envie de savoir), là où il n’y a pourtant rien de bien fantastique.

Le personnage principal, Joseph, revit ses souvenirs de jeunesse tandis que son fils se forge les siens. Une sorte de boucle temporelle s’opère tandis que le présent et le passé se mêlent, que l’adolescent d’autrefois et celui d’aujourd’hui se confondent.

Temporellement et géographiquement, nous ne savons pas bien où nous sommes, entretenant ainsi un flou, un doute et donc une angoisse.

Pourtant au fil de la lecture, l’auteur démystifie ce qu’il a créé, montre ces peurs intangibles sous l’aspect de la réalité et du factuel. Tant et si bien que je reste dans l’interrogation. L’histoire débute par cette phrase : « Un homme est revenu vivre dans sa campagne natale sans se douter qu’elle le changerait en monstre ». Un monstre ? Quel monstre ? Il n’y a pas plus de monstre ici qu’il n’y a de phénomène surnaturel.

 

D’autres avis : Mitchul, Mo’, OliV’, David Fournol, PaKa
Feu de paille (One shot)
Scénario : Adrien Demont
Dessin : Adrien Demont
Édition : 6 pieds sous terre 2015
Le blog d’Adrien Demont.
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

6 réflexions sur “Feu de paille

  1. Mo' dit :

    Je vous rejoints (enfin surtout Lunch 😀 ) sur la qualité de ce voyage imaginaire. On est plongé dans l’ambiance très vite (après quelques tâtonnements : le chien par exemple, je m’y suis reprise à deux fois)
    Et puis, ayant lu cet album juste après « Carnet du Pérou »… je n’étais plus certaine du tout de bien avoir tout compris 😛

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    • Lunch dit :

      Pas de voyage à Cuzco cette fois… mais c’est dépaysant quand même 🙂
      Plus j’y repense et plus je me rends compte que j’ai vraiment aimé Feu de Paille (et Carnet du Pérou aussi d’ailleurs). C’était une bonne idée de parler de ces bons albums ^^

      Badelel n’aime pas ces ambiances… dommage pour elle, moi j’adore !

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