Mon ami Dahmer

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6 août 2013 par Lunch

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Lunch

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John « Derf » Backderf est un ami d’enfance de Jeffrey Dahmer (aussi appelé Le Cannibale de Milwaukee), célèbre tueur en série ayant fait 17 victimes entre 1978 et 1991. Enfin… connaissance serait le terme le plus approprié car dans les années lycée, entre 75 et 78, Dahmer n’était pas vraiment un ami intégré : adolescent solitaire et étrange, il était surtout sujet de moqueries, simulant des crises d’épilepsie et des troubles de locution (appelés Dahmerismes).

Lorsque Derf Backderf apprend que son ancien camarade de promo est l’auteur de ces crimes atroces, il se met aussitôt à rassembler des éléments de son passé : souvenirs, anecdotes, témoignages… Les faits relatés par la presse étaient différents de ce qu’il avait vécu lui. Il tenait une histoire singulière : le Dahmer présenté par la presse n’avait rien à voir avec celui qu’il avait côtoyé plus de 10 ans auparavant.
Il commence alors à écrire des histoires, puis publie en 2002 un livre auto-édité de 24 pages, nominé aux Eisner Awards.
Un livre salué mais qui ne lui plaît pas : sa forme n’est pas aboutie, sa narration est chaotique et il y avait tant de choses que cette faible pagination ne permettaient pas de raconter…
Il décide alors de refaire son livre et de le faire bien. Il retourne sur les lieux, interroge anciens camarades et professeurs. Il compulse les rapports du FBI et de la police, étudie les journaux et lit le livre du père de Jeffrey Dahmer, Lionel, qui l’aide à appréhender le contexte familial.
C’est ainsi qu’est né Mon ami Dahmer, un comic-book détonnant et un véritable témoignage présentant la construction psychologique de Dahmer jusqu’à son premier meurtre.

« Mais là-bas, à la campagne, il faisait bon vivre, surtout quand on était enfant. De belles forêts épaisses et vertes, des champs et des prairies à perte de vue dans toutes les directions et des villages agréables où tout le monde se connaissait.
Autrement dit, un terreau parfaitement improbable pour le tueur en série le plus dépravé depuis Jack l’éventreur.
»

De fait, on retrouve une certaine similitude avec d’autres histoire du genre comme Je ne mourrai pas gibier : on connait la fin dès le début et on sent monter en puissance un malaise lattent et, pour Dahmer, les angoisses en partie suscitées par le carcan familial désastreux et le renfermement. Contrairement au livre pré-cité, il est impossible d’éprouver la moindre compassion ni d’excuser les gestes…
Mon ami Dahmer s’inscrit dans la lignée d’ouvrages tels que From Hell ou Henri Désiré Landru, des œuvres ayant pour principal protagoniste un criminel qui fait subir à ses victimes les atrocités les plus sordides. Mais sans aucune place pour la fiction, seulement des faits avérés issus d’anecdotes vécues par son entourage (qui vont des simples gamineries aux pratiques morbides – avec des animaux morts – de Dahmer).

Derf Backderf est auteur de comic-books mais aussi journaliste de formation. Il s’occupait d’ailleurs du journal (Yearbook) au lycée. Son style est assez proche du dessin de presse, très caricatural et « grosses têtes ». Un graphisme aux traits un peu gras et aux expressions figées qui est assez déconcertant au départ mais on s’y habitue rapidement. On pourrait même dire qu’il convient assez bien à l’inexpressivité de Dahmer.

Mon ami Dahmer est au final un livre au scénario construit, clair et… glaçant.
On se demande comment un gamin ainsi en perdition n’a pas été repéré par les services sociaux ; comment les parents, même absents et en plein divorce, ne se sont aperçus de rien ; comment les professeurs, en charge de l’éducation, n’aient rien pu discerner non plus (outre son comportement asocial, Jeffrey Dahmer se saoulait du matin au soir dans l’enceinte du lycée). Même les potes de classe, pensant seulement à s’amuser, n’ont pas songé à un problème psychologique. Bref, un manquement total qui laisse complètement coi !

On se dit que ces gosses ont vu passer la mort de près…

En postface, les notes de l’auteur sont un témoignage précieux expliquant sa méthodologie dans l’élaboration du livre.

roaarrr

– Prix K.BD 2014
– Prix révélation – Angoulême 2014

D’autres avis : Choco, Legof, David Fournol, Yvan
Mon ami Dahmer (One shot)
Scénario : Derf Backderf
Dessin : Derf Backderf
Édition : Çà et là 2013
Un reportage vidéo sur Jeffrey Dahmer, à regarder de préférence après avoir lu l’album.
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

2 réflexions sur “Mon ami Dahmer

  1. Lunch dit :

    Par Eric the Tiger le 06/08/2013 :

    J’avais déjà lu un article sur cet ouvrage qui m’avait intrigué. Ta critique m’incite à partir à sa découverte. Merci. Au plaisir de te relire…

    Par Lunch le 06/08/2013 :

    Cette lecture présente un témoignage très intéressant, différent de l’image qu’on se fait d’un tueur en série et pourtant, on en ressent les premiers frissons.

    J’aime

  2. […] décalage qui rappelle un peu le traitement de Mon ami Dahmer par Derf Backderf. Ici, l’auteur se fait l’avocat du diable par la « voix » de […]

    J’aime

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