Block 109
116 mars 2013 par Lunch

Lunch
22 mars 1941 : Adolf Hitler est assassiné d’une balle en pleine tête. Dans les jours qui suivent, de nombreux cadres nazis sont arrêtés et pendus par la Gestapo pour haute trahison.
Avril 1941 : Himmler devient Chancelier et obtient les pleins pouvoirs. Heydrich devient Reichsfürer et dirige l’ensemble de la S.S.
Janvier 1942 : Lancement du programme nucléaire allemand.
Mars 1943 : Création du Nouvel Ordre Teutonique par Himmler pour contrer l’influence grandissante des S.S.
5 juin 1943 : Zytek, ancien officier S.S. jeune et ambitieux, mais totalement méconnu, est nommé, à la surprise générale, Grand Maître du Nouvel Ordre Teutonique (Hochmeister).
Juin 1944 : La première bombe thermonucléaire allemande est opérationnelle.
8 mai 1945 : Opération « nuit noire ». Le feu nucléaire s’abat sur les États-Unis et sur les Îles Britanniques.
Novembre 1947 : Mort accidentelle d’Himmler. Le Hochmeister Zytek est élu, quelques jours plus tard, président du Grand Conseil du IIIe Reich.
1953… la guerre entre les blocs allemands et soviétiques se poursuit sans relâche depuis 9 ans…
Cela ne vous aura pas échappé avec cette introduction (qui relate en quelques lignes le contenu partiel des premières planches de la bande dessinée) Block 109 est une uchronie.
Pour les Vincent Brugeas, Hitler a été assassiné en 1941 et la guerre ne s’est pas arrêtée en 1945… et elle a pris un tout autre visage que l’Histoire de nos manuels scolaires.
Dès les premières cases, nous sommes happés par des événements qui nous dépassent et qui attisent notre curiosité. Nous sommes au cœur de l’Histoire sans y être vraiment, nous la revisitons avec un œil neuf.
Ce qui nous frappe d’emblée, ce sont ces allusions qui sont faites à des événements ou des dates qui sont bien réels. Block 109 aurait pu se contenter de développer un récit totalement nouveau à partir d’un tournant de l’Histoire, mais il fait mieux que ça : il s’accapare de faits ultérieurs et les incorpore à la narration, lui donnant du coup un certain crédit. Un crédit qui vacille tout de même sur une question anodine mais qui me semble si importante : pourquoi diable les allemands auraient-ils réussi à lancer une bombe atomique sur les États-Unis et pas sur la Russie ?
Bien entendu, il s’agit toujours d’une fiction, à laquelle vient se greffer ce virus d’un genre nouveau qui sévit dans le métro, monde souterrain ayant accueilli l’expérience… Un mélange de genres entre le récit de guerre, froid et implacable, et l’ambiance d’un bon Resident Evil.
« Vous pensez que je vais adhérer à ces conneries !! Vous voulez détruire le monde, salopard !
_ Je ne vais pas détruire le monde, Lisa. Je vais l’achever. »
J’ai beaucoup apprécié cette lecture au récit haletant et rondement mené, qui parvient à nous surprendre à plusieurs reprises et qui nous bouscule sans cesse.
On s’attache à ces hommes qui luttent pour sauver leur peau, qui ne sont là que pour accomplir les ordres sans discuter, du bétail… A contrario on cracherait volontiers à la gueule des crapules qui ne vivent que pour ôter la vie des autres et comploter pour servir leurs intérêts…
Pourtant, on finit par être pris à contrepied. Les personnages qu’on croyaient bons ont aussi leurs faiblesses et certains nous apparaissent vite comme antipathiques… et que dire de Zytek, qu’on taxait allègrement de salaud sanguinaire et assoiffé de pouvoir au départ, et qui devient au fil de l’histoire de plus en plus sympathique à nos yeux.
Un joli tour de force des auteurs.
Graphiquement, l’ambiance dépeinte par Ronan Toulhoat est plutôt agréable.
Le dessin, réaliste, fait certes un peu « rush » et globalement pas fini. D’ailleurs, on reprochera ce choix pour les visages qui deviennent du coup un peu flous et parfois difficile à discerner.
Les traits sont rehaussés par une colorisation sépia et mis en valeur par un découpage propre et efficace qui convient bien au rythme du récit. Le tout nous laisse une impression uniforme plutôt réussie malgré le bémol cité plus haut.
Au cœur de l’idéologie nazie, Block 109 nous invite à partager le quotidien des militaires allemands durant la guerre, il nous fait également réfléchir sur ce qu’elle aurait pu être, dans d’autres circonstances… Une réflexion qui porte également sur les hommes, sur leur capacité à construire ou à détruire, sur le symbolisme de la race aryenne…
Block 109 est un one-shot mais les auteurs ont également publiés, toujours chez Akileos, des récits satellites qui évoquent d’autres lieux pendant cette même guerre. Sans toutefois constituer une suite, ils permettent à ceux qui le souhaitent d’approfondir l’univers inventé par les auteurs :
– Étoile Rouge (2010)
– Opération Soleil de plomb (2011)
– New York 1947 (2011)
– Ritter Germania (2012)
Il est impressionnant de voir la vitesse à laquelle les auteurs développent leur univers !
Je ne sais pas si je lirai ces titres. Block 109 se suffit à lui-même et sa fin ouverte nous laisse maître de l’interprétation que nous en ferons… ce que j’apprécie grandement.
Je remercie Yaneck pour cette lecture.

Badelel
Addendum du 28/08/2013
Bien que l’exercice soit rapidement casse-figure (si j’ose dire), j’ai un attachement particulier pour les uchronies, parce que bien menées, elles apportent toujours de bonnes surprises. Et j’entretiens depuis quelques années une profonde répulsion (due à un raz-le-bol concernant le matraquage médiatique) pour la période concernant la Seconde Guerre Mondiale. Tout pour me faire hésiter pendant des années… Je lis ? Je lis pas ? Je lis ? Je lis pas ?
Bon ben voilà, c’est lu avec un regard assez critique au final, parce que ben l’air de rien, les auteurs ne facilitent pas la tache pour l’entrée en matière. Ou presque.
L’intro est très bien faite, résumant en quelques cases la période entre 1941 et 1953 dans ce monde où la Seconde Guerre Mondiale a oublié de se terminer, puis vient le début de l’histoire elle-même. Et là j’ai rien pipé. J’ai finalement posé le bouquin et j’ai dû survoler à nouveau ce début pour reprendre pied. Mon reproche, c’est le flou des transitions et le manque de netteté des visages qui aurait permis de mieux identifier les personnages. Ah oui puis aussi, je crois que je ne suis pas hyper fan des histoires de guerre en fait…
Pour le reste, je tire mon chapeau. J’ai passé toute ma lecture à me demander où les auteurs voulaient donc nous mener pour tomber littéralement des nues à l’arrivée. D’une façon générale, pas d’incohérence historique, ou en tous cas rien que je n’ai pu relever ; un scénario tiré par les cheveux et relativement inattendu avec des coups de [péripatéticienne] dans tous les sens ; des personnages exécrables ; un dessin rigide à l’image du Reich qu’il décrit et à la fois dynamique et plein de mouvements (oui je sais, c’est peut-être pas très très clair dit comme ça) au cœur de l’action ; des couleurs sépia qui imprègnent l’ambiance sordide ; un grand réalisme dans le trait. L’ensemble doit être, à n’en pas douter, largement influencé par la bande dessinée américaine.
Par Yaneck le 16/03/2013 :
Ah, je suis content qu’il t’ait plu… Pas facile de tenter des cadeaux sans connaître en vrai la personne…
Sinon, tu peux essayer de lire les deux derniers, qui sont bien meilleurs que les deux premiers. Surtout que Ronan Toulhoat progresse vraiment d’album en album, c’est très plaisant.
Par Lunch le 16/03/2013 :
D’après ce que j’ai lu et compris, les autres albums ne poursuivent pas le récit, ils donnent d’autres angles de vue. J’aime bien l’idée de rester sur cette fin là et j’ai peur d’être déçu par les à-côté, d’autant que j’ai lu des avis mitigés sur ces albums satellites.
Mais sait-on jamais.
Par jérôme le 16/03/2013 :
J’ai beaucoup de mal avec l’uchronie, je crois que je ne parviendrais jamais à apprécier ce genre.
Par Lunch le 17/03/2013 :
Je vois ça comme une fiction, même si elle se base sur une réalité alternative. Ça me dérange pas pour ma part mais je comprends qu’on puisse être attaché à l’Histoire telle qu’elle a été.
Par Eric the Tiger le 17/03/2013 :
Je te conseille de te lancer dans la lecture des autres ouvrages de cet univers. Ils sont au moins pour trois d’entre eux aussi réussis que l’opus initial. Au plaisir de te relire…
Par Lunch le 17/03/2013 :
S’ils sont aussi réussis ça vaut peut-être le coup dans ce cas, mais j’ai lu des avis moins enjoués sur les autres opus donc ça me freine un peu. Et puis il faut aussi qu’ils réservent des surprises et je dois avouer que je vois pas trop comment ils peuvent faire mieux que Block 109 ^^
Mais pourquoi pas !
Par Eric the Tiger le 29/08/2013 :
Il s’agit d’un univers qui m’a conquis. Au plaisir de te relire…
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