Omni-visibilis

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18 janvier 2011 par Lunch

omni-visibilis

Lunch

Lunch

Hervé Boileau est un type comme tout le monde. Un homme tout ce qu’il y a de plus banal, avec une légère tendance maniaque et paranoïaque quand il s’agit de la propreté. Jusque là, tout va bien.
Mais un jour, sans avoir rien fait de spécial, il se réveille avec un don particulièrement ennuyeux : tout le monde voit ce qu’il voit, entend ce qu’il entend et sent ce qu’il sent…

On m’avait déjà conseillé il y a quelques temps la lecture de cet album, en me vantant sa grande qualité. Puis est venu le temps de la sélection officielle d’Angoulême 2011, et il en fait partie. Alors je ne me suis pas fait prier et je l’ai commandé à la librairie. Je vous le confirme, c’est une excellente acquisition ! Et de tous les titres que j’ai lus dans cette sélection, c’est pour l’instant le meilleur !

Tout d’abord parce que Lewis Trondheim nous a concocté une histoire poilante. Voilà bien longtemps que j’avais pas ri autant en lisant une BD. Le sourire toujours aux lèvres, c’est une lecture agréable au plus haut point, avec des répliques mordante et des situations rocambolesques. Il y a une surenchère incroyable du début à la fin, on est pris dans le récit et impossible d’en descotcher.
Déjà, le bonhomme est plutôt particulier avec sa manie de la propreté. C’en est risible, et surtout, ça le suit durant tout l’album. À cela s’ajoute cette idée géniale qui, sans en être vraiment une, apporte toute la vivacité à cet album.
Voir au travers des gens, je crois que tout le monde a déjà pensé à un super-pouvoir de ce genre un jour. Mais que tout le monde puisse voir au travers de quelqu’un, sans le vouloir ni le commander… ça, il fallait y penser !
Vous le vouliez, Trondheim l’a fait !

Le dessin de Matthieu Bonhomme, tout en bichromie, retranscrit à merveille ce côté aseptisé du personnage principal. On est dans cette ambiance d’un bout à l’autre. Mais c’est aussi un méticuleux travail d’ombre et lumière, comme en témoigne ce magnifique visuel sur le parc pages 48 et 49.

Ah non vraiment, cette BD est géniale !
Quelques citations ?

« Avec ces conneries, j’ai ouvert la portière moi-même.
Adieu les germes.
Arggll Arrggl… au secours, on est des gentilles bactéries. C’est l’apocalyyypse !
»

« Je sais que vous êtes monsieur Boileau.
_ Vous êtes tous autour de moi en train de me regarder ?
_ Je ne pense pas. Je suis aveugle mais je ne sens personne autour. Savez-vous que j’ai retrouvé cet endroit grâce à l’ouïe et l’odorat dès que vous êtes entré ici ? Ces sens restent actifs même si vous fermez les yeux.
_ Ah… Et qu’est-ce que vous voulez ?
_ Juste que vous ouvriez les yeux à nouveau. S’il vous plaît.
_ Mais tout le monde saura où me trouver…
_ Vous avez un don miraculeux, monsieur Boileau. Utilisez-le avant qu’il ne disparaisse.
»

« Je me suis fait un plan parano. J’ai eu l’impression qu’il y avait plein de policiers chez elle qui essayaient de remonter à la source de l’appel.
_ Mmm… dans le doute, on va éteindre nos portables au cas où ils veulent nous tringler.
_ Nous trianguler.
_ Oui, voilà…
»


Badelel

Badelel

Addendum du 14/08/2012

Trondheim a pour habitude de nous montrer le point de vue décalé des choses. De toutes évidences il ne sait pas être sérieux, pour le plus grand bien de nos zygomatiques. Mais ne pas être sérieux ne signifie pas nécessairement être futile. Ainsi, Omnivisibilis est-il une étude de nos comportements. Comment réagirions-nous si une personne était soudain et inexplicablement dotée du pouvoir de retransmettre universalement ce qu’il perçoit par ses 5 sens. Bon, le principe de base est capillotracté, on peut le reconnaître, et compliqué à gérer pour le scénariste (je soupçonne Trondheim d’avoir volontairement écarté l’épisode des couilles qui grattent). Pour autant, le concept a été bien mené et poussé au bout (voir la scène de la chiasse, ma préférée). Trondheim revoie Big Brother à sa façon et décrit une société d’opportunistes mal léchés où les 9/10° des gens utilisent le don du euh… c’est un héros, sûr ? Bon… de Hervé puisque c’est son nom. Ah ouais, parce qu’en prime le personnage principal est un loser maniaque et microphobe.
Bref, voilà les ingrédients principaux pour faire d’un concept farfelu une BD hilarante et qui tient la route.

Le dessin de Bonhomme est simple, direct et efficace. Par contre, quitte à choisir la bichromie, une autre couleur que ce vert gerbouille n’aurait fait de mal à personne. Enfin ça c’est mon ressenti. Souvent les femmes enceintes se mettent à ne plus supporter certains goûts ou certaines odeurs, en ce qui me concerne, ce fut certaines couleurs. Voilà donc qui n’a pas joué en la faveur d’Omnivisibilis du temps de sa sortie.

Omni-visibilis (One shot)
Scénario : Lewis Trondheim
Dessin : Matthieu Bonhomme
Édition : Dupuis 2010
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

5 réflexions sur “Omni-visibilis

  1. Lunch dit :

    Par Mo’ le 19/01/2011 :

    Ah oui, tu as complètement accroché sur l’album !! Le graphisme m’aura tout de même tenu en un peu en retrait de cet univers mais je pense que c’est tout à fait le type de récit que l’on garde en mémoire et dont le souvenir de lecture se bonifie avec le temps. Non ? ^^

    Par Lunch le 19/01/2011 :

    J’ai trouvé pleins de bons côtés à l’album en fait.
    Déjà, je l’ai trouvé drôle et ça c’est vraiment un facteur déterminant pour le plaisir de lecture.
    Ensuite, il y a ce côté « pouvoir non contrôlé » qui apporte sa touche d’originalité et qui est vraiment génial. Trondheim est parti de ce pouvoir et cela lui a permis d’apporter toutes les variantes et déviations possibles. Il y en a peut-être encore d’autres d’ailleurs, mais c’est déjà pas mal.
    La parabole de l’aveugle est d’ailleurs magnifique.

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  2. […] une simple histoire d’amour et qui ferait de cet album le meilleur de l’année, devant Omni-Visibilis, Asterios Polyp ou Quai d’Orsay ? La réponse se trouve sûrement dans le traitement du […]

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  3. […] pour ensuite la décliner jusqu’à en épuiser toutes les possibilités. L’exercice Omni-visibilis reste dans ma mémoire, le principe est ici identique bien que l’idée de départ soit […]

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  4. […] ne lui resterait que quelques mois à vivre ? Dans le principe, ce n’est pas sans rappeler Omni-visibilis avec son idée de pousser un pouvoir jusqu’au bout, mais loin du ton absurde de ce dernier, […]

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  5. […] Bonhomme, connu pour son approche réaliste du média (Le Marquis d’Anaon, Messire Guillaume, Omni-visibilis, c’est lui), qui avait déjà pu faire parler la poudre sur Texas […]

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