La position du tireur couché

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21 novembre 2010 par Lunch

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Lunch

D’après le roman de Jean-Patrick Manchette.

Worcester, Angleterre.
Le froid est mordant, le vent glacial. Il fait nuit.
Un type attend pourtant dans une camionnette, la vitre grande ouverte.
Lorsqu’un couple passe tout près, c’est le déclic. Le passage à l’acte, méthodique.
D’abord l’homme, d’une balle en pleine tête. Puis la femme, d’un geste parfaitement maîtrisé, le canon engoncé contre le cœur pour atténuer le bruit de son silencieux plus encore.
Deux personnes abattues froidement, et laissées à même le sol… Martin Terrier, car c’est là son nom, remonte dans le fourgon et s’en va. Bientôt, il sera revenu en France, et annoncera à son employeur qu’il se retire.

Jean-Patrick Manchette écrivait des romans policiers noirs. Et celui-ci n’échappait pas à la règle, réputé pour être expéditif. Il fallait de l’action, que le lecteur ne s’ennuie pas, mais qu’il ait quand même suffisamment de fond pour qu’il permette de se poser des questions.
Tardi avait déjà travaillé avec Manchette, sur Griffu en 1978.
Puis il a ensuite adapté ses romans après sa disparition en 1995. Le petit bleu de la côte ouest en 2005, et maintenant La position du tireur couché. Il y en aura d’ailleurs d’autres.

Les années 1970 se prêtent bien aux traits noirs de Tardi. Je ne suis pas un fervent amateur du style graphique, mais je ne peux que saluer le rendu : propre, lisible, et empli de détails. On va droit au but, sans fioritures, tout comme le héros malgré lui de cette histoire, qui ne taille jamais dans la dentelle. Nul besoin de surcharger le dessin de couleur, qui auraient dénaturé ce climat, toujours froid, du récit.

Le récit, complet et volubile, est en parfaite opposition avec le laconisme des dialogues. D’ailleurs, Martin Terrier, déjà peu causant, finit par ne plus parler du tout dans les dernières pages de l’album : extinction de voix qui l’oblige à s’exprimer par langage écrit et qui apporte un certain comique à une situation pas du tout drôle.

C’est qu’il s’en passe des choses. Près de 100 pages de lecture mais tout défile à une vitesse folle. À commencer par les victimes, dont la liste est très longue. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec Léon, ce tueur incarné par Jean Réno et qui emporte avec lui tellement de monde dans l’autre monde.
Mais loin de moi l’idée de trop vous dévoiler de l’histoire, sachez juste qu’il est question de liberté, et qu’elle a un prix, comme toujours.

Je dois bien l’avouer, je ne suis pas un amateur de polars. Et je n’aime pas trop non plus le dessin noir et blanc.
Sur le premier point, j’ai été tout de même envoûté par la froideur du personnage, son côté maniaque, un peu idiot parfois, mais tellement méthodique. Et un autre type de dessin aurait été inapproprié à un tel récit, vraiment : Tardi est parfaitement dans le ton.
Au final, j’ai plutôt trouvé l’album bien, malgré mes réticences. Comme quoi.

Badelel

Je le sais : je n’aime pas les romans noirs. Ce n’est pas compliqué, les romans policiers, à la bibliothèque, je n’y touche pas. J’ai une collègue qui est à fond dans ce domaine, il n’y a pas besoin que j’y amène mes gros sabots alors que je n’y suis pas à mon aise. En bande dessinée, j’avoue tenter l’effort plus facilement. Je veux dire des BD noires. Quand je le fais, je suis généralement confrontée à ses sentiments très paradoxaux : je déteste l’ambiance mais j’adore la maîtrise du récit, du trait, tout ça…

Autant le dire tout de suite, La position du tireur couché ne fait pas exception. L’ambiance est glauque, poisseuse, dégoulinante de malaise. Pas autant que d’autres certes, mais déjà trop pour moi. Elle l’est d’autant plus que la BD est longue : une centaine de pages. J’ai posé le livre plusieurs fois. J’avoue que la scène du gars qui se fait démettre le petit doigt a manqué d’être la goutte de trop : j’ai failli poser le bouquin de façon définitive (ne vous moquez pas, j’ai une véritable phobie de la douleur). Mais c’est plus fort que moi : une douche et on remet ça. Bref, c’est un exploit : je l’ai lue jusqu’au bout.

Je serais bien incapable d’émettre un avis strictement favorable en ce qui la concerne pour toutes ces raisons.
Je serais tout aussi incapable de la démonter : le dessin sombre de Tardi, très « vieille école » nourrit encore davantage l’ambiance d’une histoire qui n’est pas si sinistre que ça : un type qui tente de fuir le milieu du crime qui l’a nourrit pendant tant d’années mais qui se fait manipuler comme un véritable pantin.
Je serais bien incapable d’émettre un avis constructif : cette BD m’a trop dérangée. J’avoue simplement avoir été marquée par l’emprise du roman : les phylactères sont omniprésents au point que leur absence manque. On sent la présence du narrateur derrière soi. Il décrit les actions de Terrier comme un reportage télévisé. Ce qui lui permet une pirouette scénaristique : les actions ne trainent pas en longueur. Comme dit Lunch : tout défile très vite. En quelques cases, l’action est cernée et on est passé à autre chose (heureusement : je n’aurais pas supporté 3 pages de petit doigt retourné ^^).

La position du tireur couché (One shot)
Œuvre originale (Roman) : Jean-Patrick Manchette
Scénario : Jacques Tardi
Dessin : Jacques Tardi
Édition : Futuropolis 2010
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

Une réflexion sur “La position du tireur couché

  1. Lunch dit :

    Par Mo’ la fée le 25/11/2010 :

    Ah ben mince Badelel ! Je ne savais pas que tu appréhendais autant cette lecture ! Bon, vu le contenu de ta critique et la note finale au final, ça ne t’a pas tant déplu que ça 😉

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