Là où vont nos pères

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11 octobre 2008 par Lunch

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Lunch

Un homme fait sa valise et quitte le domicile familial. Sa femme et sa fille, en pleur, rentrent seules à la maison après le départ du train qui emmène le voyageur vers l’inconnu…

Ce superbe one-shot est signé par un jeune auteur australien, dont ce titre est le premier album. Et quelle entrée en matière, avec pour récompense le prix du meilleur album au festival d’Angoulême 2008.

Il s’agit d’une histoire muette sans aucun texte ni aucune onomatopée, qui évoque la vie d’un immigré.
Les scènes sont imagées, les images parlantes. L’homme quitte une vie qu’il connait et arrive dans un pays étranger, peuplé de gens aux coutumes incongrues. La barrière de la langue, les difficultés de se faire comprendre, la quête d’un travail pour gagner de l’argent… l’auteur nous fait rentrer dans la peau du personnage en nous faisant vivre une aventure humaine merveilleuse, en plongeant le lecteur dans un monde imaginaire, dans lequel il perd tous ses repères, où il faut tout réapprendre.

On pourrait penser que le thème prête au pessimisme, mais il n’en est rien. Cette bande-dessinée est un rayon de soleil, une aventure vivante et pleine d’espérance, couronnée de rencontres et d’amitiés.

On apprécie le trait adopté par Shaun Tan, son crayonné léger et agréable, bercé par des couleurs sépia chaleureuses. On apprécie son travail, de la mise en page à la narration : un roman graphique qui se passe de parole.

Badelel

Addendum du 28/02/2011

Là où vont nos pères a reçu en 2008 le prix du meilleur album à Angoulême, voilà une récompense bien méritée. Au-delà du graphisme fabuleux de Shaun Tan, de ses sublimes illustrations crayonnées, c’est une BD qui pose des questions (plus qu’elle n’y répond) sur un sujet de société universel, et qui n’a pas vieilli depuis un siècle et demi : l’immigration.

J’y ai retrouvé une référence à Ellis Island, mais la nationalité de l’auteur pourrait parfaitement justifier d’une situation à Sydney. Dans tous les cas, si certaines caractéristiques fixent la BD dans un lieu et une époque (objets, décors, mode vestimentaire qui rappellent les années 20, illustrations type photos de l’époque, arrivée dans une ville pleine de gratte-ciels, statue qui rappelle la symbolique de la statue de la liberté, ou alors Harbour Bridge et l’opéra de Sydney, etc.), elle reste intemporelle et imaginaire (créatures, objets, écriture qui n’existent pas).
Une façon, peut-être, de rappeler que si New York et les années 20 paraissent lointaines, Là où vont nos pères aborde le quotidien de nombreuses familles aujourd’hui, ici en France. Cette question est d’autant plus actuelle que Shaun Tan, auteur australien, vit dans un pays où l’immigration est extrêmement contrôlée.

L’album retrace la vie de ces hommes et de ces femmes qui fuient leur pays où règnent misère, dictature, guerre. Prêts à quitter leur famille pour rejoindre un El Dorado de liberté et d’abondance et construire pour les leurs un avenir qu’ils ne peuvent avoir dans leurs pays d’origine. On les retrouve pourtant noyés dans le froid et le gigantisme des villes, dans une culture dont ils ne savent rien, entendant une langue qu’ils ne comprennent pas, après avoir été examinés comme des bestiaux, à la chaine, et numérotés. Sans autre choix, ces gens rejoignent les rangs des travailleurs à la chaîne.

Le choix d’une BD muette, ainsi que l’emplacement du scénario dans un lieu dont on ne comprend pas l’écriture, accentue le rapprochement du lecteur à la détresse de ces gens et à leur incompréhension.

Là où vont nos pères n’est pas pour autant pessimiste. Elle montre la solidarité qui se tisse entre les gens, et en particulier entre immigrés, et le bonheur d’autant plus grand de retrouver sa famille.

roaarrr

– Fauve d’or Angoulême 2008
– Mention spéciale du Jury Œcuménique 2008

Là où vont nos pères (One shot)
Scénario : Shaun Tan
Dessin : Shaun Tan
Édition : Dargaud 2007
La présentation de l’album sur le site de l’éditeur.

Une réflexion sur “Là où vont nos pères

  1. […] lointaine, c’est le nouvel album de Shaun Tan après le succès de Là où vont nos pères, auréolé du Fauve d’or d’Angoulême en 2008. Cette fois, pas de sujet aussi lourd […]

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